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Le bonheur en cette fin d'année, on
peut le voir dans les yeux des enfants émerveillés devant les vitrines et
les illuminations,
les faisant rêver à des cadeaux.
Le rêve, l'attente, l'espérance ce sont là des moments de bonheur pour
tous.
Même si ils ne se réalisent pas toujours.
L'approche de Noël, c'est le temps pour les chrétiens de célébrer la
Nativité,
symbole d'espérance et de bonheur pour tous les hommes et les femmes qui
veulent croire et partager un avenir meilleur
Le philosophe Alain a écrit : " Si on cherche le bonheur, on est
condamné à ne pas le trouver, mais lorsque le bonheur pourrait être dans
l'avenir,
c'est qu'on l'a déjà. Espérer, c'est être heureux". Le bonheur ce
n'est pas un état permanent,
c'est une quête constante pour chacun d'essayer de devenir meilleur, de
donner aux autres des moments de bonheur et parfois d'en recevoir.
Dans cet esprit, c'est pour moi un vrai bonheur de souhaiter à chacun
d'entre vous, amis lecteurs, une année 2004 qui soit riche d'espérances.
Que cette espérance de bonheur soit en particulier dédiée à tous ceux qui
luttent pour devenir abstinents,
mais aussi à tous ceux qui les entourent, qui les aident et qui les
aiment.
Le bonheur est partout et nulle part. Parfois, on le ressent fortement,
parfois on oublie qu'il existe.
Chacun a connu et connaîtra des moments de bonheur, mais cela ne s'achète
pas, ne se conserve pas, il faut lutter pour le trouver,
être ouvert aux autres pour l'éprouver. Car le bonheur, c'est un partage,
une émotion que l'on ne peut garder pour soi.
Croyez-vous qu'un égoïste puisse être heureux ?
Lorsque l'on fait le bilan d'une année, on se dit que vraiment le malheur
a frappé durement.
Il y a eu des guerres, des conflits dans des pays plus ou moins lointains
et plus ou moins médiatisés.
Des hommes, des femmes, des enfants ont été massacrés, blessés, déportés,
affamés. Dans notre pays,
les catastrophes naturelles ne nous ont pas épargnés, que ce soit la
canicule ou les inondations, beaucoup ont souffert.
D'autres ont été frappés à nouveau par la récession économique et le
chômage. Alors, peut-on croire encore au bonheur ?
Oui, nous le devons car nous sommes tous, à la Croix Bleue, porteurs
d'espérance et témoins que tout homme peut changer
Notre Croix Bleue vient de fêter en Franche Comté, sa terre d'origine
française, ses cent vingt ans d'existence.
Elle a pu surmonter tous les bouleversements du XXe siècle en
acceptant d'adapter ses moyens, ses connaissances,
sa pratique à l'évolution de son environnement. Ainsi notre association
poursuit, sur le terrain et dans ses centres,
ses actions pour contacter, accompagner, témoigner, redonner l'espoir et
faire entrevoir le bonheur que procure une vie sans alcool..
Le combat que nous menons contre la maladie alcoolique rencontre de
nombreux obstacles qui évoluent au fil des ans.
Il est important que nous aussi nous sachions nous remettre en cause pour
demeurer efficaces et ne jamais perdre espoir.
Les techniques de soins changent, mais nous savons tous que le bonheur
pour un malade alcoolique ne peut se trouver que dans
une abstinence acceptée et non subie, dans une guérison du corps pour que
la vie spirituelle puisse naître ou renaître.
Au sein de la Croix Bleue, nous avons l'habitude de dire, et de chanter
que nous sommes faits pour le bonheur.
Alors, j'espère pouvoir en 2004 partager avec vous le bonheur de vivre
notre congrès de juin prochain comme un
témoignage de la force et de la pérennité du contenu de notre engagement,
fil conducteur de nos réflexions actuelles,
ferment de tant de vies retrouvées et portées par… 0lé bonheur !
Un bonheur que je vous souhaite de vivre et de partager lors de ces fêtes
de fin d'année.
Bernard Leday |
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Plaidoyers pour le
Bonheur
Qu’est ce que le bonheur ? Un cadeau de
la providence ou une quête existentielle ?
Une belle harmonie intérieure ou une simple pause entre deux pépins ?
La venue en France en octobre 2003 du
dalaï-lama a fait fleurir de nombreux ouvrages, des documentaires et
articles.
Quel ne fût le journal qui ne consacre pas un dossier sur ce thème ?. Ce
n’est pourtant pas nouveau :
depuis vingt siècles la polémique ne cesse quant à la définition et
l’application de cet état.
Du « plaidoyer pour le bonheur « de Matthieu Ricard à « l’euphorie
perpétuelle » de Pascal Bruckner,
en écoutant l’avis de Roger Pol-Droit, philosophe (extrait de « Dernières
nouvelles des choses.
Une expérience philosophique »), il nous restera à nous faire une idée de
notre bonheur
« Le désir du bonheur est essentiel à l’homme : il est le mobile de tous
nos actes.
La chose au monde la plus vulnérable, la mieux entendue, la plus
éclaircie,
la plus constante, c’est non seulement qu’on veut être heureux, mais qu’on
ne veut être que cela.
C’est à quoi nous force notre nature » a écrit Saint-Augustin
Les recettes de Matthieu Ricard, moine
bouddhiste
ETRE HEUREUX OU RIEN : Il existe un impérieux devoir de bonheur :
il faut être heureux, comme il faut manger et boire pour vivre.
CHERCHER A L’INTERIEUR DE NOUS MEME : Si tous les hommes recherchent d’une
façon ou d’une autre à être heureux,
il y a loin de l’aspiration à la réalité. C’est là le drame des êtres
vivants. Ils redoutent le malheur mais courent à lui.
Ils veulent le bonheur mais lui tournent le dos. Les moyens mêmes de
pallier la souffrance servent souvent à l’alimenter.
Comment cette tragique méprise peut-elle se produire ? Parce que nous ne
savons pas nous y prendre.
Maladroitement nous recherchons le bonheur en dehors de nous même,
alors qu’il est essentiellement un état intérieur.
S’il trouvait sa source au-dehors, il serait à jamais hors d’atteinte. Nos
désirs sont sans limites et notre contrôle du monde,
restreint, temporaire et le plus souvent illusoire.
Cela suffit-il d’avoir des amis, une famille unie, de bonnes conditions de
vie matérielle ?
Non ; on peut être malheureux alors qu’ « on a tout pour être heureux ».
Pourquoi consacrons-nous tant de temps à améliorer notre confort, à
rester en bonne forme physique,
et pourquoi accordons-nous si peu de temps à améliorer notre condition
intérieure ?
N’est-ce-pas elle qui détermine la qualité de notre vie ? Quelle curieuse
hésitation,
crainte ou inertie nous empêchent de regarder en nous-mêmes, d’essayer de
comprendre la nature profonde de la joie, de la tristesse,
du désir et de la haine ? La peur de l’inconnu l’emporte et la peur
d’explorer le monde intérieur s’arrête à la frontière de notre esprit.
LE PIEGE DU
PLAISIR : L’erreur la plus courante consiste à confondre plaisir et
bonheur. Le plaisir, dit le proverbe hindou
« n’est que l’ombre du bonheur ». Il est directement causé par des stimuli
agréables d’ordre sensoriel, esthétique ou intellectuel…
Le plaisir s’épuise à mesure qu’on en jouit, comme une chandelle qui se
consume. Il est presque toujours lié à une action et entraîne
naturellement la lassitude, par le simple fait de sa répétition. C’est une
expérience individuelle…
On peut éprouver du plaisir au détriment des autres, et il peut se
conjuguer avec la méchanceté,
la violence, l’orgueil, l’avidité et d’autres états mentaux incompatibles
avec un bonheur véritable.
A l’inverse du plaisir soukha naît
de l’intérieur. Il n’est pas soumis aux circonstances et n’est pas lié à
l’action.
C’est un « état d’être », un profond équilibre émotionnel issu d’une
compréhension subtile du fonctionnement de l’esprit.
Tandis que les plaisirs ordinaires se produisent au contact d’objets
agréables et prennent fin dès que cesse le contact,
soukha est ressenti aussi longtemps que nous demeurons en harmonie
avec notre nature profonde.
Il a pour composante naturelle l’altruisme, qui rayonne vers l’extérieur
au lieu d’être centré sur soi.
LA HAINE : On considère que répondre au
mal par la fureur et la violence constitue une réaction humaine,
dictée par la souffrance et le besoin de justice. Pourtant une humanité
véritable consiste à éviter de réagir par la haine.
La vengeance n’est pas n’est pas la solution la plus appropriée car à long
terme elle est incapable de nous apporter une paix durable.
Comme le disait Gandhi : « Si l’on pratique œil pour œil, dent pour dent,
le monde entier sera bientôt aveugle et édenté ».
La compassion bouddhiste revient à souhaiter de tout son cœur que tous
les êtres, sans distinction,
soient libérés de la souffrance et de ses causes, en particulier la haine.
On peut ainsi aller plus loin et mû par l’amour altruiste,
désirer que tous les êtres, le criminel y compris, trouvent les causes du
bonheur.
Pascal Bruckner dénonce quant à lui, dans
« L’euphorie perpétuelle » cette pathologie de la volonté qui saisit
l’homme occidental
et qui lui fait croire que, maître et possesseur de la nature, il peut
l’être aussi de son propre esprit, de ses sentiments, de ses états d’âme,
de son bonheur. Qu’il peut à loisir convoquer ce dernier à son chevet
comme on appelle un maître d’hôtel au restaurant ou le construire
brique par brique, tel un maçon, afin de l’arrimer définitivement à son
existence.
Le mot d’ordre pour P.Bruckner serait : ne pas le rechercher, ne pas le
refuser, ne pas le retenir.
L’accueillir quand il est là comme une grâce, un don de la vie sans
vouloir s’en emparer à la façon d’un bien.
Admettre en nous une certaine dépossession et qu’il nous est impossible de
tout contrôler.
Reconnaître que le bonheur est une valeur secondaire moins importante que
la liberté, l’amour ou la sagesse, et que tout n’est pas dans tout.
Les marchands de béatitude nous vendent en réalité de la culpabilité : ils
veulent nous faire honte de nos fragilités, de notre mal-être,
et nous somment d’en sortir tout de suite par un travail intérieur.
Résultat : le bonheur, qui relève d’abord de l’insouciance,
devient un labeur perpétuel, une quasi-corvée que nos contemporains
doivent entreprendre sous peine de déchoir.
A tous ces gourous de la sérénité il a envie de répondre : « laissez-nous
vivre, notre misère est moins tragique que votre santé ».
Roger Pol-Droit reconnaît que la question du
bonheur paraît cruciale. Chacun d’entre nous peut se convaincre, assez
facilement,
que cette réflexion doit engager la totalité de son existence. En
parvenant à résoudre le problème philosophique du bonheur on saurait
enfin sur quoi guider sa vie, comment la réussir. L’ennui, c’est que ce
problème est insoluble. Cent générations de philosophes et quelques
bibliothèques immenses n’en ont pas vu le terme.
Une kyrielle de difficultés théoriques alimentent leur dissertation sans
fin. Liste non exhaustive : le bonheur peut être à la fois unique et
multiple,
discontinu et permanent, physique et spirituel, imaginaire et réel,
affaire privée et horizon politique, fruit du hasard et conséquence du
contrôle sur soi…
Si vous restez dans ce labyrinthe, rien ne bougera jamais. Pis : la
question fait écran, à mon avis à ce qui importe vraiment.
Ecoutez plutôt Wittgenstein : « La solution du problème que tu vois dans
la vie, c’est une manière de vivre qui fasse disparaître le problème ».
C’est bien la vie en effet et elle seule qui offre l’issue de secours. Le
bonheur vécu est très loin du bonheur pensé. Quand on commence à en faire
l’expérience, on voit s’éteindre les guirlandes mentales où clignotaient
toutes ces interrogations.
On demandera évidemment : en quoi
consiste l’expérience du bonheur ? Il la décrit pour sa part comme le fait
de vivre des instants parfaits.
Ils sont comme autant de moments d’absolu. Peu importe leur point de
départ, extase physique ou spirituelle ou évidence des joies simples.
Jamais ces instants ne se limitent à des plaisirs minuscules, car ils nous
font réellement échapper au temps… pour un moment.
Le bonheur vécu est donc ce qui nous rend éternels, réellement, ici et
maintenant. En ce sens il n’est jamais éphémère.
C’est tout simplement la vie sans question.
Schopenhauer considère que le bonheur n’est
rien de positif mais tout entier négatif et consiste uniquement dans la
cessation
provisoire d’un manque. Le bonheur est donc illusoire, en raison de la
nature insatiable du désir. De même que fumer une cigarette n’apaise,
dans l’instant, le désir du fumeur que pour l’attiser ensuite, le fait de
mettre un terme à la souffrance, c'est-à-dire à l’insatisfaction,
revient à y substituer l’ennui, avant une souffrance supérieure. Le
bonheur n’est que « la cessation d’une douleur ou d’une privation et,
pour remplacer ces dernières, ce qui viendra sera infailliblement ou une
peine nouvelle, ou bien quelque langueur, une attente sans objet,
l’ennui .».
Pour sortir de ce cercle infernal c’est au désir lui-même qu’il faudrait
renoncer ;
mais comment désirer ne plus désirer sans être le serpent qui se mord la
queue ?
Réalisé à partir du journal Le Point
n°1621
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