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Lalcool entre nous
Ma vie, durant ma période alcoolique, peut être scindée
en deux parties.
La première, plutôt bonne, même très agréable, qui sest étalée sur quinze ou
vingt années. Jaimais les bons vins, certains alcools forts et nombre
dapéritifs . Mais, je nen faisais pas une consommation régulière. Je
nétais pas dépendante mais fin prête pour le devenir.
La deuxième, celle de la dépendance, est venue en peu de temps : peut-être deux ou
trois ans. Je men suis rendue compte en ne pouvant plus me passer dalcool quel
que soit le moment de la journée. Un effort physique ou cérébral, un coup de cafard, un
manque de courage ou même par ennui : je mappuyais sur le «remède alcool»
pour faire face.
Plus je me rendais la vie difficile, plus je buvais. Avec les ennuis en tout genre et les
catastrophes qui laccompagnaient, elle devenait, pour moi et naturellement pour mon
entourage, impossible.
Jai tenté de mettre fin à mes jours. Mais même çà, je lai loupé.
Sans alcool, je nétais plus bonne à rien. Je me méprisais, me dégoûtais, et
lorsquil marrivait de vomir, cest sur moi que je vomissais et non à
cause de lalcool.
Jai vivoté dans ce cloaque durant pas mal dannées. Il y a bien eu de courtes
périodes de rémission mais je replongeais de plus en plus souvent. Ma santé se
dégradait dune façon catastrophique. Médecins et chirurgiens me mettaient en
garde. Lun ma dit : «Votre vie est entre vos mains». Je le savais, mais
quoi faire ? Arrêter de boire ! Mais comment ?
Je ne voulais pas mourir ; je pensais à tous ces décès des années précédentes
dans nos familles ; avec moi, un de plus? Non, je ne voulais pas mourir.
Il fallait impérativement que jarrête.
Je devais agir, faire un geste, un pas. Comme chaque jour, jai ouvert le journal et
mes yeux se sont arrêtés sur un entrefilet annonçant le thème et la date dune
prochaine réunion Croix Bleue et, surtout, donnant de précieux numéros de téléphone
que je me suis empressée de noter en grand pour ne pas les oublier
ou changer
davis.
Durant plusieurs jours, entre deux verres, jai réfléchi. Je sentais quen
téléphonant, jallais entreprendre quelque chose que je navais pas réussi à
faire jusquà présent : je savais que jallais arrêter de boire.
Comment ? Ca
Jai décroché le téléphone. Il était cinq heures du
matin. Cest René, de la Croix Bleue, qui ma répondu. Je ne sais plus ce
quil ma dit mais jai écouté et certainement beaucoup parlé. Cela ne
la pas découragé car lui et Chantal sont venus me voir dès le lendemain et
revenus plusieurs fois.
Et, un matin, je me suis décidée pour une hospitalisation. A partir de ce jour-là, je
nai plus pris une goutte dalcool. mes nouveaux amis me rendaient visite tous
les jours et nous discutions, discutions
Ils me remontaient le moral car je
navais plus un seul soutien extérieur. Je métais fait « jeter »
de partout. Même mon mari, lors de ses visites, ne restait que cinq minutes. Il ny
avait plus rien entre nous.
Jai voulu faire une postcure à la Presquîle. Ne plus boire, cest
facile à dire ! Etre constante dans labstinence : je ny arrivais
pas. Je savais quen postcure, jaurais une aide psychologique, que
jallais apprendre à vivre et à penser autrement. Cest ce que jai connu
après ce séjour de trois mois : une naissance.
Jai voulu devenir Membre Actif de la Croix Bleue. Je lai voulu pour partager
mon vécu avec dautres personnes piégées par lalcool. Jai trop
souffert et fait souffrir pour passer cela sous silence. Dire à ces personnes
quelles ne sont plus seules, que je veux les aider, que je peux les comprendre,
partager leurs souffrances, les écouter ; leur dire que la vie est belle et
quelle le deviendra pour elles aussi ; leur apprendre à regarder devant elles,
sans lusage dun artifice.
Par limage que je renvoie aujourdhui, je peux leur servir de miroir.
Marie-Fance
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