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Avec
cartable, sac à dos ou porte documents, en jean, jupe ou pantalon, c'est
la rentrée ;
mais ce n'est pas une rentrée comme les autres après un été aussi
dramatique !
Cet été 2003 restera dans les mémoires.
Certains d'entre nous connurent quelques périodes de repos et de détente,
et c'est tant mieux.
Mais la canicule que nous avons tous subie a été terrible et est venue
nous rappeler que contre
Dame Nature, l'Homme est et sera toujours vulnérable.
Après les terribles inondations de l'an dernier, la sécheresse est venue
s'abattre sur notre pays.
Elle a provoqué la mort de milliers de personnes, âgées, isolées ou en
situation précaire,
et qui pendant cette quinzaine étouffante du mois d'août se sont
retrouvées sans défense.
Dans les grandes villes, les services d'urgence étaient submergés.
La climatisation existe dans presque tous les véhicules, les bureaux, les
supermarchés,
mais pas dans une seule pièce des maisons de retraite ni des hôpitaux !!!
La solitude a tué des dizaines de personnes dont certaines n'ont même pas
été
reconnues et ont été enterrées dans l'anonymat, sans famille...
Je pense que nous avons tous ressenti une certaine honte devant ces
funérariums improvisés à Rungis, temple de la consommation...
Heureusement, les bénévoles des associations ont apporté un peu d'aide
avec le peu de moyen dont
ils disposaient en cette période estivale, un élan de solidarité a pris
naissance ici et là ;
on s'est un peu inquiété pour le voisin.
Mais que dire devant les incendies criminels qui ont dévasté des milliers
d'hectares en France
et ailleurs, mettant en péril des villages entiers... ?
Que dire aux agriculteurs regardant bétail,
volailles et récoltes mourir de soif... ?
Que dire face à ces vies humaines sacrifiées parmi les soldats du feu ?
Et pendant ce temps-là, les conflits internationaux continuent...
L'économie mondiale est en récession et les problèmes sociaux demeurent.
Cet été fut
très dur et nous allons avoir à en payer le prix.
Après les " subtiles " restrictions apportées aux régimes de retraites,
c'est notre politique de santé qui va faire l'objet de débats et remises
en cause.
Soyons-y attentifs car la Croix Bleue est directement concernée par ces
futures restrictions financières,
que ce soit au niveau des projets liés à nos centres ou à celui des
partenariats permettant à nos
actions et à notre association de vivre.
Dans ce Libérateur, nous avons choisi de traiter de l'intégration de
l'alcool dans notre société dite
" évoluée ", à savoir comment notre société parvient à composer avec la
commercialisation d'un produit
dangereux, l'alcool, tout en essayant de maintenir une politique
respectueuse de la santé...
Il s'agit là d'un vaste sujet et vous trouverez dans ce numéro des
interventions et des témoignages
riches qui devraient susciter parmi vous réactions et commentaires lors de
vos prochaines réunions.
Comme d'habitude, vous trouverez des nouvelles des uns et des autres avec
les comptes rendus des
activités de nos groupes, de nos sections et de notre camping.
Je continue à penser que l'esprit de solidarité et d'espérance qui a été
toujours présent
dans notre association rendra les jours à venir plus supportables et je
souhaite à chacun
d'entre vous la meilleure rentrée possible.
Bernard Leday
Président
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Au-delà
des limites
Si je parle de moi
aujourd'hui, c'est parce qu'avant tout je peux le faire grâce à des gens
dont le
professionnalisme a fait qu'à ce jour, je suis en vie, et debout devant la
vie.
Je reviens de si loin qu'il y a des choses dont je ne peux pas me
rappeler.
Enfance, en foyer, puis viol à 12 ans, puis foyer encore...
Le mal-être, enfoncé dans un crâne qui se voulait large et solide.
Puis, un enfant, j'avais si peur de mal faire, de me tromper.
Je n'avais pas eu de modèle, d'exemple auquel me fier.
Alors, un verre par-ci, un verre par-là et pas à pas dans le trouble, j'ai
pénétré...
Un deuxième enfant, je me suis reproché de n'avoir pas aimé - assez aimé -
le premier,
alors à lui, j'ai tout donné, du moins un temps...
Du verre insignifiant, j'en suis venue à la bouteille. Au début je la
vidais selon mes humeurs.
J'avais encore des jours avec, mais aussi des jours sans...
Puis l'amour, le vrai ; celui qui n'attache aucune importance à la beauté
et au porte-monnaie.
Le désir pour lui d'avoir un enfant.
Au début, je ne savais pas trop, mais il n'en avait pas...
Première fausse couche, deuxième, puis une troisième grossesse qui après
avoir donné tellement
d'espoir et de joie finira dans une série de blocs opératoires successifs.
Diagnostic : tumeur utérine.
De la bouteille, je suis passée au bloc et, refusant catégoriquement le
traitement que
l'on me proposait, du bloc je suis repartie à la bouteille.
Litre après litre, j'ai bu....
Je ne voulais plus entendre, vouloir, écouter ou dire. Je voulais juste
souffrir pour mourir.
Une mort de merde pour une vie de merde. Voilà où j'en étais.
Et puis un jour, je suis descendue au sous-sol sans prendre les marches :
triple fracture.
Bloc en urgence, delirium, chute du système immunitaire, pneumopathie,
coma. Plus rien,
ni son, ni image, juste (et je ne l'ai su qu'après) les larmes d'une mère
qui voyait partir
son enfant et celles d'un mari, cassé de tant espérer... 12 jours où seul
le bruit d'une machine
pouvait dire que ma chambre était occupée.
De ce coma, il me reste des bribes dont il est trop tôt pour l'instant
pour moi d'en parler.
C'était en juin 2002.
Personne ne sait ce qui m'a fait remonter. Mon médecin que je vois très
régulièrement reste
lui-même béat devant le fait que je n'ai pas eu de séquelles
neurologiques.
Il me dit seulement, doucement, que cette chance là, d'où qu'elle me soit
venue,
ne reviendra pas deux fois.
Mais ce n'était pas encore assez : rebouteille.
Comme je ne pouvais pas conduire, j'allais à l'épicerie du village. Pour
boire,
je n'avais pas mal ou ce n'était pas grave d'avoir mal. J'y suis allée
avec les béquilles,
jouant l'équilibriste. Pour le reste rien. L'alcool avait remplacé le sang
qui coulait de ma haine...
Un jour j'ai appelé le Docteur X pour lui demander de m'hospitaliser.
Je n'en pouvais plus de ne plus en pouvoir.
À genoux, perdue, enfermée, isolée, à moitié en vie et à la fois à moitié
morte.
Je suis restée 35 jours dans son service, mon entrée en postcure étant
prévue dans la foulée.
Je me revois encore, la veille de mon départ, pleurant dans le canapé
jusqu'à une heure tardive
de la nuit et me demandant si j'avais vraiment le courage d'y aller.
Je ne savais plus voir, sentir, toucher... Je ne savais plus être touchée,
je ne savais plus qui j'étais et si vraiment un jour j'avais été.
C'est dur de ne plus être ...vous savez.
Quand le front est à même le sol et que plus rien ne peut plus vous
blesser,
vous atteindre, vous donner d'espoir, parce que l'espoir est mort.
Alors, c'est, rebelle, qu'à la Presqu'île je suis arrivée.
Je voulais aller jusqu'au bout.
Inverser la route et mettre autant d'acharnement à vivre que j'en avais à
me détruire.
Je n'avais jamais fait de postcure. Alors pour moi, c'était le quitte ou
double.
Je me suis battue. J'ai donné des " coups " et en ai reçus.
J'ai appris le jour, la nuit, le respect, la tolérance, l'intolérance et
entre deux
j'y ai glissé la compassion, les cinq sens, les émotions, les cris, la
colère, et les larmes...
Le premier vrai sourire puis les éclats de rire, des soirées passées entre
résidentes,
à échanger, à recevoir, à danser, à dire et à écouter.
La Presqu'île est le premier endroit où je pouvais marcher autrement que
dans le mensonge,
l'alcool et tout ce qui l'entoure.
J'y ai appris la VIE. La VRAIE.
Celle des émotions, des jours de soleil, mais celle aussi des jours de
pluie.
J'y ai appris à relativiser, diviser, à fractionner et surtout à nuancer.
J'y suis restée 90 jours. Là j'ai su que c'était possible, que ce n'était
pas un rêve,
que ce n'était pas seulement écrit dans les livres ou réservé qu'aux
autres.
J'y ai appris l'essentiel même si c'est toujours une lutte jour après
jour, une vigilance extrême.
J'y ai appris l'essentiel pour être là aujourd'hui, abstinente et
obstinée,
pour parvenir à vous écrire, à témoigner.
Je sais que l'alcool tue et que les émotions bouleversent.
Et j'ai, plus que jamais, l'envie d'être bouleversée
.
Sandrine L.
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Moi,
je n'avais jamais bu auparavant.
Cela a commencé par un ras-le-bol de mon couple. On ne s'entendait plus.
Mon mari buvait déjà,
il était violent et verbalement méchant. J'en avais ras-le-bol de cette
vie-là, j'ai choisi la fuite.
Je me suis mise à boire des apéros chez les uns, chez les autres.
En l'espace de deux ans, cela a été très vite.
J'ai commencé à boire un peu plus chaque jour, jusqu'à boire seule chez
moi.
Je savais que mon mari allait rentrer ivre. Je me disais que cela allait
me donner du répondant.
En m'enivrant, je me sentais plus forte pour l'affronter.
En 1992, j'ai fait une première tentative de suicide. J'étais très
déprimée et cela a été suivi d'un séjour en psychiatrie
et la promesse de mon mari de ne plus boire.
Promesse non tenue... Donc, on a reconsommé tous les deux.
J'ai fait à nouveau deux tentatives de suicide et j'ai été réhospitalisée.
Mon psychiatre me disait toujours : " Quittez-le ...", et mon entourage
également.
Mais cela n'aboutissait à rien... J'étais vraiment perdue avec mes deux
enfants et sans boulot.
Puis ma sœur, un jour, m'a prise en charge. Je suis allée vivre chez elle
et j'ai demandé le divorce.
À l'époque, j'ai connu deux personnes en psychiatrie qui m'ont parlé de la
Croix Bleue.
J'ai été avec elles à une réunion, un soir. Je m'en souviens très bien,
c'était le jour où mes enfants ont été
placés en famille d'accueil (ils ne pouvaient plus rester avec leur père)
le temps que j'aille mieux et que je trouve un appartement.
C'était très douloureux comme situation... Cela a duré dix mois.
Malgré tout, j'étais soulagée qu'ils ne soient pas dans un milieu
dangereux pour eux.
À l'époque, j'ai aussi perdu mon ami. Chez ma sœur, je me suis mise à
reconsommer en cachette mais, très vite, elle s'en est aperçue.
La Croix Bleue m'a conseillé l'hôpital où j'ai fait un sevrage.
J'ai trouvé des gens à La Croix Bleue qui m'ont bien aidée moralement.
J'étais très assidue aux réunions.
J'ai même pu faire du bénévolat grâce à eux.
Un jour, le psychiatre m'a dit : " Bon, on n'a plus besoin de se revoir,
vous allez bien... ".
J'avais repris confiance en moi. Je me suis trouvée un appartement. Mes
enfants sont revenus avec moi.
Je suis devenue membre actif, après trois ans d'abstinence ; c'était
important pour moi de régler d'abord les problèmes familiaux.
J'étais libérée de l'alcool.
L'alcool a eu raison de mon ex-mari : il en est décédé trop jeune (47
ans). C'est triste... mais cela m'a permis de me conforter
dans mon abstinence et de m'engager encore plus. Une page douloureuse de
ma vie était tournée.
Aujourd'hui, j'ai retrouvé un ami qui est aussi à La Croix Bleue ; il est
abstinent comme moi depuis dix ans et il tient un
bar brasserie (eh, oui !).
De mon côté, j'ai fait une formation de soudeuse aux Chantiers de
l'Atlantique et je travaille sur le Queen Mary II,
le plus beau paquebot du monde... !
Josée
Section de Saint-Nazaire |