N°138
Septembre 2002

Le LIbérateur journal de la Croix Bleue

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Editorial 

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La rentrée, c’est déjà du passé. On a rangé les vacances ou simplement ces journées vécues “autrement”,
dans une certaine nonchalance estivale. On a repris ses activités, retrouvé ses préoccupations,
réactivé ses projets...
La Croix Bleue n’échappe pas à la règle.
Nous avons vécu jusqu’au mois de juin une période chargée en activités diverses dans les sections, notre camping,
les groupes, les Centres, mais aussi au Siège avec l’Assemblée Générale et surtout avec notre Congrès de Metz.

La date de cette manifestation et notre volonté d’en faire un compte rendu le plus exhaustif
possible nous ont conduits à différer la parution du Libérateur prévue le 1er juillet et à vous offrir
pour la rentrée, un double numéro.

Par ailleurs, l’importance et la qualité des écrits liés à ce Congrès sont telles, que nous avons fait le choix de
reporter les nouvelles de notre association dans le numéro de fin d’année.
Cette décision permet une présentation plus claire des textes et donc une lecture plus agréable.
Nous sommes persuadés que nos amis concernés par cette initiative comprendront ce qui nous est
apparu comme une priorité. 

La rentrée, c’est aussi la volonté exprimée du Gouvernement de prendre en compte - j’ai envie de dire,
une fois de plus - le rôle de l’alcool dans l’hécatombe routière.
C’est aussi la nouvelle campagne de la sécurité routière dont les affiches sont déjà vigoureusement contestées...
par les producteurs de vin qui s’insurgent que le vin soit seul mis en cause.
Aurait-il fallu faire une affiche par catégorie d’alcool ?
On se demande s’il y aurait eu assez de panneaux publicitaires disponibles !

La rencontre de Metz a constitué le point d’orgue attendu.
Chacun s’accorde à dire que ce fut un bon Congrès sur le fond et la forme, même si se sont reproduits
quelques “couacs” que l’on s’était promis pourtant d ‘éviter à l’avenir...

Ce printemps 2002 restera dans les mémoires de tous les amis réunis à l’Arsenal, avec, je ne l’oublie pas,
la quiétude retrouvée d’une Assemblée générale riche de promesses.

Alors, dans deux ans, souhaitons que nous soyons encore plus nombreux, dans le pays de Montbéliard,
pour mesurer et apprécier depuis son lieu de naissance, le chemin parcouru par notre Croix Bleue. 
Bonne rentrée à toutes et à tous.

                                                                                              Bernard LEDAY



“Après l’alcool, se construire, se reconstruire”

44ème Congrès national de la Croix Bleue française.22 et 23 juin 2002 Metz.

Cette manifestation longtemps attendue a tenu ses promesses et un souffle chargé d’émotions est passé
sur la capitale historique de la Lorraine lors de ces deux journées.
Nous étions plus de mille membres, amis et sympathisants, à nous presser dans le hall d’accueil de
l’Arsenal, en ce début d’après midi ensoleillé.
Nous étions plus de mille et pour près de la moitié à la découverte du premier Congrès
Nous étions plus de mille venus souvent de loin : des rives de l’Atlantique du Sud à la Bretagne en passant
par la Charente, mais aussi du littoral méditerranéen.
Nous étions plus de mille à manifester notre fidélité à la Croix Bleue mais aussi notre désir et notre
joie d’être ensemble. Bien vite, les rires et exclamations liées au plaisir de se retrouver ont été ponctués
par les accents talentueux d’un orchestre de jazz dont les rythmes ont permis d’attendre l’ouverture de ce Congrès.
Au cours de cet après-midi, mais aussi de la journée du lendemain, notre manifestation a été honorée par la présence
de membres et représentants du Parlement, de la Préfecture de Région, des Municipalités de Metz, Nancy et Montigny les Metz,
de la MILDT, du secteur médico-social et de nombreuses Associations d’aide aux buveurs et caritatives proches de notre action
et qui, chacun à sa manière, tinrent à nous manifester leur sympathie et leur confiance. Les interventions du samedi ont permis à
Roland MANSUY, notre représentant dans la Région et la Ville de METZ, de conter l’histoire de la Croix Bleue dans ces départements
et à René SCHMITT de préciser le rôle et l’organisation du Siège.
Pierre SALINGUE nous a ensuite rappelé que notre Mouvement, c’était un état d’esprit, mais aussi un projet dont il a décliné les
lignes de force qui permettent aux personnes alcooliques de se libérer, se construire et se reconstruire.
A côté de l’action de terrain, nos Centres de postcure jouent un rôle de plus en plus important dans la vie et la notoriété de la
Croix Bleue ; dans cet esprit, Serge SOULIE a précisé le projet commun de ces établissements, chaque Directeur venant
ensuite nous confier ses spécificités.
Les interventions du dimanche, ouvertes par le Professeur PAILLE, ont permis aux intervenants des deux tables rondes
animées par Victor SCHWACH et Jean-Claude DEVELAY d’exprimer, chacun en fonction de son vécu et de son savoir faire,
leur vision de la construction et de la reconstruction de la personne alcoolique.
Ce furent de grands moments tant au niveau de la richesse des propos que de la qualité des animateurs et, dans un autre
ordre de prestation, qui oubliera la magnifique chorale venue en fin de matinée nous faire apprécier son talent  ?
Metz 2002, un Congrès vivant et chaleureux, riche d’animations et d’interventions positionnant notre
Mouvement dans la lutte contre l’alcoolisme et l’aide aux buveurs.
Mais aussi un Congrès qui nous rappelle que tenter d’éradiquer la détresse de l’ami accompagné,
c’est d’abord regarder sa maladie comme attachée à un mystère qui lui est propre et dont lui seul détient la clé.
Dans cet esprit, il nous appartient donc de porter sur lui un regard d’amour et de confiance détaché
de toute certitude susceptible de toucher à son intégrité spirituelle.
Accueil
samedi 16 heures
Mesdames et Messieurs et chers amis, permettez-moi, au nom du Conseil d’Administration, de vous souhaiter
la bienvenue afin de partager ensemble ces deux journées au cours desquelles nous allons vivre le 44ème
Congrès de la Société Française de la Croix Bleue sur le thème:

“Après l’alcool, se construire, se reconstruire”.

 
 

la reconstruction pourquoi et comment ?

 L’alcoolo-dépendance provoque, de façon variable mais constante, un retentissement important :
Complications médicales, organiques ;
Complications psychologiques ;
Complications sociales.
Éventuellement, il existe des problèmes antérieurs ayant conduit à la dépendance.
Son traitement comporte deux temps :

             une phase de sevrage, essentiellement médicale ;

             une phase de (re) construction nécessitant un accompagnement global, médico-psycho-social.

Accompagnement après sevrage
L’objectif essentiel est de permettre aux patients de retrouver une meilleure qualité de vie,
l’abstinence n’étant qu’un moyen nécessaire mais non suffisant pour y parvenir.
Moyens : Une approche globale de la personne, médico-psycho-sociale, est indispensable.
L’approche médicale
Elle comprend la prise en compte des complications organiques :
Mauvais état général ;
Complications hépatiques ;
Complications digestives,
pancréatiques ;
Complications neurologiques (polynévrite, encéphalopathies…) ;
Cancers des VADS* ;
Troubles nutritionnels ;
Complications hématologiques…
Elle permet de faire retrouver au patient la meilleure forme physique possible.
Elle recherche d’autres conduites addictives :
Avec produits (tabac, médicaments, drogues illicites)
 Ou sans produit (jeu pathologique…).
L’approche psychologique
Il s’agit d’abord d’aider le patient à (re) trouver confiance en lui : “renarcissisation”.
Elle prend également en compte :
Les troubles anxieux, Les troubles de l’humeur (dépression) souvent associés,
Ils sont le plus souvent secondaires à la consommation d’alcool. Leur traitement est d’abord l’arrêt de l’alcool.
Ils peuvent être primaires et doivent alors être traités spécifiquement.
Dans tous les cas, l’arrêt de l’alcool améliore ces troubles.
D’éventuels troubles de la personnalité sont recherchés :
Personnalité passive-dépendante
Il s’agit de patients ayant des difficultés à dire non et dont “l’enjeu” est de leur apprendre à s’affirmer.
Ils attendent souvent des solutions venant des autres.
Il faut les aider à réorganiser leur vie et à la reprendre en main : organisation de vie, activités, loisirs…
Personnalité névrotique
Il faudra les aider à chercher où se situe le problème par une psychothérapie.
Personnalité impulsive-agressive
La relation avec les autres est difficile.
Il faudra les aider à canaliser leur agressivité.
L’approche sociale
Le maître-mot semble être : isolement.
L’approche familiale portera sur :
La solitude, Les problèmes de couple ou familiaux en général (thérapie systémique).
L’approche professionnelle visera à établir un projet professionnel.
L’approche sociale à (re)-nouer des liens sociaux.
Mais cette aide, cet accompagnement ne peuvent se faire que si le patient est motivé et prêt à cette
(re)-construction car si l’entourage peut l’aider, c’est lui, et lui seul qui accomplira ce travail que personne
ne peut faire à sa place.
Professeur PAILLE 


 

Conséquences sociales découlant des conduites addictives chez le malade alcoolique.
Etat des lieux : Qu’avons-nous à reconstruire?

La première conséquence sociale du comportement du malade alcoolique est un cheminement plus ou moins
long vers la désaffiliation ou dissolution du lien social (Serge PAUGAM, l’exclusion l’état des savoirs).
La question des racines du lien social fut l’une des questions fondatrices de la sociologie,
et la hantise de la fraction de ce lien qui peut être soit la cause ou la conséquence de l’exclusion existe
depuis de nombreuses années.
Mais qu’entend-on par lien social ?
Sa conception repose sur trois notions :
La Contrainte
le Contrat
la Socialisation

La contrainte, puisque l’ordre et le lien social s’appuient sur le pouvoir, les lois et règlements
et sur la force des institutions
qui encadrent les individus et, en contrepartie, assurent leur assistance.
Le contrat ou donnant/donnant ; coopération entre les individus.
La socialisation ; Aristote voyait l’être humain comme un animal fait pour vivre en société.
Le ciment serait social et idéologique.
La désaffiliation ou perte des liens, dans le cadre des conduites d’addiction en regard avec la maladie alcoolique,
parvient plus ou moins rapidement à l’exclusion.
L’on peut comprendre que la personne malade de l’alcool, à la fois reconnue comme un “malade” et punie
pour sa maladie puisque exclue, perd la compréhension de ce qui lui arrive.
En effet, notre société accepte la prise d’alcool, mais ses conséquences lui sont désagréables, voire intolérables.
Il ne faut pas oublier que les crimes, délits, sont souvent perpétrés sous l’emprise d’un état alcoolique.
Au détour d’une ivresse que le patient n’attendait pas il prend conscience qu’il n’a plus la maîtrise de la situation,
les regards qui se posent sur lui sont méprisants, rejetants, moqueurs, son comportement n’est plus admis.
La disparition de ce sentiment d’appartenance à un groupe social engendre la résignation,
le renoncement aux valeurs, la passivité, l’abandon ; il n’ouvre plus son courrier, ne prévient plus qu’il est malade,
ne fait plus face à aucune obligation, etc.
Il ne répond plus aux sollicitations extérieures et sa situation sociale va se compromettre
d’une manière quasi irrémédiable :
dettes de loyer, de gaz, d’électricité, de pensions alimentaires, d’impôts = saisie, huissier,
liquidation civile, expulsion, etc.
Le gouffre se creuse et le patient s’y noie. Culpabilité, honte, perte de l’estime de soi, désengagement
des relations avec autrui,
fatigue, perte d’énergie, insomnie, sont son quotidien. Souffrance L’exclusion est consommée,
en lien direct avec la désaffiliation.
Cas clinique de M. H
Adressé par le service de cardiologie, M. H. se présente à la consultation la veille de
mes vacances d’été en août 2001.
Il est prévu qu’il sortira le lendemain. Âgé de 42 ans, aîné d’une fratrie de quatre (2 garçons 2 filles),
ce patient décrit une enfance difficile marquée par la violence d’un père alcoolique.
Ce patient s’était investi dans le rôle de défenseur de sa mère et “prenait les coups” à sa place
et en est même venu aux mains avec son père.
A l’âge de 16 ans, une décision de justice a prononcé son placement (certainement dans le but de le protéger).
Ce placement n’a pas du tout été accepté par M. H. qui, l’entendant comme une punition, a dès lors refusé le système éducatif
et social en général, a fugué, a plongé dans la petite puis la grande délinquance, pour se venger, dit-il.
Sa rencontre avec l’alcool s’est passée à ce moment-là sur un mode d’entraînement et
de festivité sur fond de provocation.
Il y a environ 10 ans, alors qu’il était incarcéré pour la nième fois, il décide de tout arrêter :
l’alcool, la délinquance, la prison, et pense qu’il est temps pour lui de vivre d’une manière normale.
Il fait une formation professionnelle débouchant sur une qualification professionnelle intéressante et
trouve un emploi très bien rémunéré.
A ce jour :
Divorcé, un fils de 18 ans, vivant en concubinage, le couple se séparant, ce patient a repris une consommation d’alcool
afin de supporter la situation.
Il y a 6 mois, il est arrêté au volant de sa voiture avec 2,8 g d’alcool, par la police qui, alors qu’il était primo
délinquant pour ce genre de fait et eu égard à son passé judiciaire, lui a retiré son permis pour 2 ans.
Il ne restait plus à M. H. qu’à démissionner de son poste au Luxembourg auquel il ne pouvait plus se rendre.
L’alcool encore.
Désespéré, au chômage sans indemnisation (démission), il ne pouvait plus payer son loyer (et par conséquent menacé d’expulsion),
ni se nourrir et a tout de même songé au R.M.I., qui lui a été accordé après des démarches qui ont duré 3 mois,
ses ressources étant supérieures au montant accepté.
Il ne faisait plus que s’alcooliser.
A ce moment-là, dénutri, angoissé, surendetté, alcoolisé, il a un accident cardiaque nécessitant une hospitalisation
longue : Le piège
Évaluation de la situation :
Ce tableau clinique était particulièrement difficile et mon intervention se faisait à nouveau dans l’urgence alors que
le patient était hospitalisé depuis longtemps. Les éléments les plus graves étaient :
le problème cardiaque donc la santé, l’abandonnisme de ce patient déprimé, le manque de ressources
(ressources zéro), l’expulsion, les dettes…
Moyens à utiliser
On dit qu’il n’y a pas d’urgence dans le travail social : c’est ce qui permet parfois de se donner bonne conscience ;
mais il y a de l’urgence quotidiennement et des actions directes, rapides mais tout de même réfléchies et cohérentes
avec la trajectoire du patient et ses représentations doivent être mises en œuvre en premier lieu :
Dans le cas de ce patient c’est la négociation d’une place en maison de repos tout d’abord afin de permettre à
M. H. de retrouver des forces (je crois qu’il ne pesait plus que 47 kilos), suivie ensuite d’une postcure qui lui
permettrait de réfléchir sur son comportement face à l’alcool.Au retour,
La seconde chose à remettre en route est la notion de lien afin de permettre un travail sur le comportement,
la mobilisation, la motivation : redonner un sens à la vie, une valeur première, et réapprendre un comportement
adapté à notre société.
Les travailleurs sociaux, dans leurs fonctions, sont souvent confrontés à des situations vécues par les patients
comme des échecs personnels : échec d’un projet familial ou éducatif, échec à l’insertion professionnelle,
échec dans la gestion des ressources et, surtout, échec dans la quête de sens à donner à sa vie.
Cela est encore plus vrai dans le domaine des addictions où les pertes sociales et affectives sont très importantes.
Face aux souffrances que ces situations engendrent, les travailleurs sociaux ont pour rôle de chercher à remettre
en route des processus relationnels figés et à interpeller les structures, les lois, les normes et institutions
chaque fois qu’elles excluent ou isolent.
Dans tous les cas il convient d’aider à l’émergence de nouveautés qui puissent débloquer et faire évoluer
les personnes, les familles, les groupes et les structures.
Cela nécessite également, des actions directes sur l’environnement du patient :
aide aux démarches, voire les faire si la perte d’autonomie est trop importante, rechercher des relais,
des partenaires, actionner, réveiller,
faire bouger, tant le patient que les partenaires d’ailleurs…
Je crois qu’un patient, surtout dans le cas des conduites addictives, ne peut se mobiliser que s’il perçoit chez
l’interlocuteur une implication, un intérêt, je ne parle même pas du non-jugement, celui-ci doit être acquis.
Il est vrai qu’une telle attitude engendre des risques, toute relation en engendre, tenter avec
le patient de retrouver la “juste distance” qui devient alors un outil thérapeutique…
Il s’agit d’une sorte de contrat qui même s’il est rompu n’engendre pas l’exclusion.
Il convient de tenter d’éviter la répétition en ce domaine.
Tenter de travailler sur ce que le patient a à gagner à rester abstinent.
Travail à faire sur les acquis qui deviennent à nouveau possibles.
La modification d’un comportement ne peut se faire que si les meilleures conditions d’environnement sont réunies :
recherche de logement, tentatives de renouer des liens familiaux si possible, intervention auprès des banques,
des avocats, des huissiers et des employeurs.
Les entretiens sont réguliers, hebdomadaires au minimum ; au début, travail sur l’image de soi,
sur l’image donnée aux autres,
travail de réflexion pour la mise en place de l’après (après cure, après postcure).
Les entretiens d’environ une heure dureront le temps nécessaire.
Des démarches claires seront prévues. Un objectif ou plusieurs seront définis ensemble.
Une évaluation régulière des démarches et des actions menées sera entreprise.
Il est important, lorsqu’un projet thérapeutique est engagé, de prévoir l’après.
Il est très difficile pour un patient d’être pris en charge durant plusieurs mois puis, de se retrouver
dans une situation sociale précaire qui ne lui permet pas de vivre d’une façon aussi normale que possible.

H. DEMET-BRUNWASSER est assistante socio-éducative,thérapeute de couple et familial systémicienne,
relaxologue, PRS addictions Équipe Hospitalière de Liaison en Alcoologie de la Moselle-Metz.
Formatrice également en école de travailleurs sociaux et en institut de formation en soins infirmiers. 

 

 

Témoignages : L’alcool au volant…on en reparle.

En faisant de la sécurité routière une de ses priorités pour notre pays, le Président de la République
ne pouvait que recueillir un large consensus tant les chiffres régulièrement publiés sont alarmants.
Avec plus de 8 000 tués sur les routes en 2001, la France se situe parmi les plus mauvais élèves de
l’Union Européenne.  Au nombre de ces disparus, 2 500 sont morts à cause de l’alcool, soit en moyenne
7 par jour ou un toutes les 3 h 30.
Sur ces 8 000 personnes qui ont péri sur la route, 2077, soit 1/4 des tués avait entre 15 et 24 ans
avec toujours les mêmes responsables : la consommation d’alcool et la prise de risques excessive,
avec une sérieuse probabilité pour que la seconde soit la conséquence de la première…
Pour le Gouvernement, les mesures d’accompagnement de cette volonté au plus haut niveau sont
encore à l’état de projet.
Certes, le dispositif policier préventif et répressif a été tout à fait renforcé en cette période
de migrations estivales, mais on ne saura que plus tard si des innovations telles la boite noire,
le moteur bridé à partir d’une certaine vitesse ou le ticket de péage “mouchard” verront le jour.
Les médias se sont par ailleurs largement faits l’écho de ce constat et de ces projets.
La sécurité de tout citoyen n’est-elle pas en jeu quand n’importe quelle voiture venant en face
de lui peut se transformer, sous l’effet de l’alcool ingéré par le conducteur,
en une arme dont il n’a plus la maîtrise ?
L’ensemble de ceux qui sont concernés par le problème alcool, dont bien évidemment
la Croix Bleue, ne peut qu’observer avec beaucoup d’intérêt ce projet qui prend corps.
Dans le même esprit, avec grand plaisir nous avons découvert la campagne lancée
fin juillet par la prévention routière.
Cette campagne vise à sensibiliser tous les conducteurs en cette période de vacances propice à
une consommation d’alcool qui peut s’avérer fatale sur la route Elle veut aussi faire comprendre
qu’une consommation d’alcool, même jugée faible, est dangereuse.
En clair, la prévention routière veut rappeler qu’alcool et conduite doivent être absolument dissociés.
La prévention routière rappelle dans cette campagne que celui qui conduit, est celui qui ne boit pas,
et que toute consommation d’alcool altère le comportement, mais aussi et d’abord la capacité visuelle
d’un conducteur et donc sa faculté d’apprécier les risques qui se présentent à lui.
Pour appuyer sa démarche, la Prévention Routière a lancé une campagne d’affichage,
le texte accompagnant chaque affiche étant une vérité scientifique : “Dès 0,5 g/l,
l’alcool réduit votre champ de vision”.
Pour bien montrer que les conducteurs subissent davantage l’emprise de l’alcool qu’ils ne le croient,
l’un d’eux apparaît sur cette affiche prisonnier d’une voiture aux allures de bouteille de vin,
dont le pare-brise arbore une étiquette sans équivoque.
On aurait presque oublié qu’on était en France… Hélas, pour celles et ceux qui luttent contre le fléau alcool,
nous y sommes, et le lobby alcool, toutes branches confondues, n’a pas tardé à réagir.
D’abord la branche du vin, qui a considéré que le produit référent de cette campagne
constituait une stigmatisation du vin, avis du reste relayé par le Ministre de l’Agriculture en visite
chez les viticulteurs du Languedoc Roussillon qui s’est déclaré “choqué” par cette “assimilation
du vin à la délinquance routière”.
Bel exemple de démagogie politicienne dans un secteur géographique sensible, il est vrai.
En fait, cette référence au vin a été choisie afin de cibler plus particulièrement les adultes qui s’estiment
le plus souvent non concernés lorsqu’ils ont bu quelques verres au cours d’un repas.
Ensuite la branche des débitants de boissons, qui refusent d’être assimilés à des “marchands de drogue” ;
“nous ne sommes pas des dealers”, proclament-ils en distribuant des sous bocks, petits cartons
placés sous les verres au comptoir sur lesquels ces affirmations, qui feraient presque sourire,
ont été reproduites.
Plus personne, en effet, ne conteste que les drogues, dont l’alcool contenu dans le vin fait partie,
sont, ainsi que bien d’autres produits, par tous définies comme des substances psychotropes
qui agissent sur le cerveau et peuvent provoquer une dépendance.
Ces substances sont regardées par les responsables de la sécurité et de la santé publique
non pas selon leur seul statut légal mais aussi et surtout selon leur dangerosité, et il faut se
féliciter qu’il en soit ainsi.
La France bénéficie à cet égard d’une culture de terroir. Ce n’est pas discutable mais elle en paie le prix fort :
près de 50 000 morts par an…
Il conviendrait, tout de même, de penser aussi à eux.
Bernard LEDAY